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Né en 2016 grâce au soutien des fonds européen du programme Interreg Rhin Supérieur, TRISAN est un centre de compétences trinational qui soutient la coopération transfrontalière dans le domaine de la santé. Son objectif est d’optimiser l’offre de soin aux habitants de l’espace franco-germano-suisse du Rhin supérieur. TRISAN a vu le jour sous l’impulsion du groupe de travail « Politiques de santé » de la Conférence du Rhin Supérieur et dispose aujourd’hui d’une équipe basée à Kehl. En 2019, au moyen d’un nouveau cofinancement européen Interreg Rhin Supérieur, TRISAN s’est attelé à définir un « plan d’action pour une offre de santé transfrontalière ». Dans ce contexte le centre de compétences a produit de nombreux outils à destination des acteurs de la santé et du grand public.
Anne Dussap, cheffe de projet TRISAN à l’Euro Institut, et Delphine Carré, chargée de mission auprès de l’Infobest Vogelgrun/Breisach, qui informe et conseille les frontaliers au quotidien, ont accepté de nous parler de TRISAN : son développement, ses réalisations et comment le centre de compétences a impacté l’information des citoyens sur les questions d’accès aux soins transfrontaliers.
Delphine CARRE : L’Infobest Vogelgrun/Breisach traite de nombreuses thématiques dont celle de l’assurance maladie/l’accès aux soins dans le pays voisin. Les questions concrètes concernent d’une part, l’affiliation des travailleurs frontaliers et de leurs ayants-droits ainsi que l’indemnisation maladie, les prestations dépendance, la pluriactivité/le télétravail. D’autre part, elles concernent les possibilités de bénéficier de soins dans le pays voisin par des usagers non assurés dans ce pays et les modalités de prise en charge/de remboursement. Il peut s’agir de soins programmés nécessitant ou non une autorisation préalable, de soins médicalement nécessaires au cours d’un séjour dans le pays voisin ou bien encore de la poursuite de soins pour des personnes anciennement assurées dans ce pays. Une question récurrente concerne également la possibilité d’être transporté en cas d’urgence dans un hôpital du pays voisin à proximité de la frontière.
Lors de la pandémie de COVID, de nouvelles demandes sont apparues concernant le passage de frontière pour se rendre chez le médecin/la pharmacie, l’indemnisation des parents devant garder leurs enfants du fait de la fermeture des écoles ou en cas de quarantaine, les obligations de tests, la possibilité d’être testé/vacciné dans le pays voisin, les pass sanitaires…
Anne DUSSAP : En démarrant le premier projet Interreg, TRISAN a réalisé une étude des potentiels de coopération dans le domaine de la santé. Celle-ci constatait que de nombreux acteurs avaient renoncé à la coopération sanitaire en transfrontalier parce qu’elle apparaissait comme trop compliquée, car il y avait trop d’obstacles et un manque de volonté politique. En six ans, TRISAN a contribué à mettre en réseau les acteurs et à créer un dialogue constructif permettant d’identifier les obstacles et de chercher ensemble des solutions. La coopération santé reste complexe à mettre en œuvre mais c’est possible. TRISAN a élaboré des outils soit par la mise en réseau des acteurs, soit par la production de connaissances qui permettent de construire des projets. A titre d’exemple, le réseau des caisses d’assurance maladie et les guides à la mobilité des patients accompagnent les citoyens et citoyennes dans l’aventure des soins transfrontaliers ; les analyses transfrontalières de l’offre de soins ont permis de faire émerger des projets de territoire concrets, tels que le projet « Offre de soins – Gesundheitsversorgung » mené par l’Eurodistrict PAMINA. Enfin TRISAN a mis en lumière les projets existants et montre que la coopération en santé est possible.
Delphine CARRE : Au vu de la diversité et de la complexité des questions auxquelles nous sommes confrontées dans notre travail, une étroite collaboration avec la CPAM du Haut-Rhin et l’AOK Baden-Württemberg existait déjà depuis de longues années. Ces caisses assurent entre autres une permanence mensuelle dans nos locaux.
Mais TRISAN a renforcé et élargi la collaboration avec l’ensemble des acteurs (caisses d’assurance maladie des trois pays, organismes de liaison, points de contact nationaux, réseau Infobest), créant ainsi une plateforme d’échanges privilégiés. Dans le cadre du projet, le réseau Infobest a pu faire remonter différents problèmes concrets rencontrés par les usagers en termes de mobilité des patients, échanger en direct sur ces problématiques avec les acteurs concernés et réfléchir conjointement à des solutions/améliorations possibles et ce de manière pragmatique. Il n’est pas toujours possible d’apporter des solutions à notre niveau, mais nous avons pu co-construire des outils, comme les guides dédiés à l’assurance maladie des frontaliers, ou ceux consacrés à la mobilité des patients. Ces guides permettent de mieux informer les assurés en amont afin de leur éviter de se retrouver dans une situation problématique. Nous réorientons très régulièrement les usagers vers ces outils, ce qui constitue un gain de temps important pour nous.
En outre, dans le cadre des 25 ans de notre Infobest, deux ateliers virtuels ont été organisés conjointement avec TRISAN, la CPAM du Haut-Rhin et l’AOK Baden-Württemberg afin de sensibiliser les assurés mais également les multiplicateurs d’information sur les problématiques liées à l’accès aux soins dans le pays voisin (France/Allemagne).
Anne DUSSAP : Du point de vue des acteurs de la santé, la plus grande différence réside dans l’organisation structurelle et politique des systèmes de santé. Une organisation centralisée en France face à une organisation fédérale et décentralisée en Allemagne et en Suisse induisent une asymétrie des compétences et des décalages au niveau de la prise de décision. La différence dans les modalités de régulation de l’offre de soins, par les lois du marché ou par une régulation institutionnelle, complexifie l’identification des interlocuteurs adéquats pour la coopération. A cela se rajoutent pour l’Allemagne et la Suisse, les différences intra-étatiques d’un Land ou canton à l’autre, difficiles à appréhender d’un point de vue français. Enfin le différentiel entre les tarifs de soins de part et d’autre de la frontière, réels ou imaginés, reste une inconnue qui fait peur. L’ouverture à de possibles coopérations est vue comme une prise de risque plutôt qu’un potentiel.
Du point de vue du patient, accéder à l’offre de soins du pays voisin pose tout d’abord la question de la langue. La santé est un bien intime et précieux et chacun préfère, dans la mesure du possible, être soigné dans sa langue (et culture de soins) maternelle. Ensuite il faut savoir vers quel prestataire se diriger, ce qui n’est pas toujours évident quand on ne connait pas l’offre de soins du pays voisin. Enfin le remboursement des soins transfrontaliers reste complexe et peu transparent sans compter la lourdeur administrative, les délais… et qui dit remboursement, dit avance des frais, ce qui n’est pas dans la culture de soins allemande ou suisse.
Anne DUSSAP : Le projet a naturellement été fortement impacté par la pandémie. Certains acteurs, accaparés par la gestion de la crise, n’étaient plus disponibles pour traiter les sujets transfrontaliers, devenus accessoires. Par ailleurs, les partenaires du projet ont adapté leurs objectifs : TRISAN a produit des tableaux comparatifs sur les politiques vaccinales et les stratégies de test dans les trois pays pour apporter un soutien aux discussions au sein du Groupe de travail politique de santé de la CRS ou encore des informations sur les possibilités de se faire vacciner dans le pays voisin à destination du grand public.
A la sortie de la pandémie, les restrictions d’approvisionnement en médicaments et le manque de personnels de santé se font désormais sentir. La coopération transfrontalière pourrait-elle apparaitre comme une option pour compléter l’offre de soins sur certains territoires frontaliers ? Les acteurs et les populations sont-ils prêts ? Les solidarités transfrontalières mises en place en début de pandémie laissent entrevoir des possibilités… Mais la pandémie a mis en évidence la fragilité de la coopération face à l’urgence ; la coopération transfrontalière se construit mieux dans le long terme. Un des enseignements de la pandémie est que la résilience de la coopération est portée par les réseaux d’acteurs et les connaissances interpersonnelles.
Anne DUSSAP : TRISAN construit son avenir dans la continuité du projet Interreg et avec la pérennisation au sein de l’Euro-Institut portée par 25 membres dont 12 membres financeurs. Je souhaite que TRISAN reste un maillon qui rassemble et accompagne les acteurs dans la construction de projets transfrontaliers concrets au service des territoires.
Delphine CARRE : Des travaux menés avec TRISAN dans le cadre de ce projet sont nés cinq protocoles de coopération décrivant des problématiques précises et définissant des mesures d’optimisation. La mise en œuvre de ces protocoles sera donc à suivre, à adapter et impliquera de nouvelles concertations, la création de nouveaux outils, sans compter les nouvelles problématiques qui sont déjà apparues ou qui apparaîtront dans un futur proche. Mon souhait pour l’avenir de TRISAN est qu’il reste cet acteur fort nous permettant de continuer notre travail en faveur de la réduction des obstacles rencontrés par les habitants de notre région du Rhin supérieur.
L’objet du projet « Plan d’action trinational pour une offre de santé transfrontalière »
L’équipe TRISAN au sein de l’Euro Institut a mené le projet « Plan d’action trinational pour une offre de santé transfrontalière », et produit de nombreux outils d’information sur l’offre de soin sur le territoire transfrontalier. Cofinancé par 29 partenaires institutionnels français, allemands et suisses, le projet visait à développer les potentiels de coopération, réduire les obstacles liés aux frontières et développer la connaissance mutuelle des systèmes de santé. Pour en savoir plus, rendez-vous sur le site Internet de TRISAN.